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Présentation générale de l’œuvre


Poésie

Henry Bauchau se tourne vers l’écriture au cours de sa première psychanalyse, dans les années 1948-1949. L’écrivain entre alors en littérature par la voie du langage poétique, parce qu’intuitivement il sent que le poème lui permet d’atteindre « des couches plus originelles de [s]a géologie personnelle » – ce à quoi fait précisément référence le titre de son premier recueil, Géologie, publié en 1958. Chaque recueil poétique s’apparente à une nouvelle étape dans l’œuvre littéraire, mais également dans l’évolution personnelle de l’auteur. Dans Géologie émerge la figure d’un poète lancé dans une quête de sens synonyme de quête des profondeurs ; si la poésie de Bauchau s’y fait souvent violente, le poète adopte un ton profondément différent dans le recueil suivant, L’Escalier bleu (1964), dont les poèmes sont autant de regards sur l’enfance. À l’inverse de L’Escalier bleu, le troisième recueil, Célébration (1972), se veut pour sa part résolument ancré dans le présent, l’auteur entendant y « célébrer ce qui est ». Le silence n’y est pas employé dans la seule perspective rythmique, il est pleinement porteur de sens. Cette tendance s’accentue encore dans le recueil suivant, La Chine intérieure (1975). Le titre de ce petit ouvrage peut induire le lecteur en erreur, puisqu’il n’est guère question de la Chine dans les poèmes qui le composent ; en évoquant au seuil de son recueil ce pays replié derrière sa muraille protectrice et néanmoins bouleversé au cours du vingtième siècle par les profonds changements que l’on sait, Bauchau cherche à s’inscrire en creux dans un certain imaginaire, afin de mieux exprimer par la voie poétique sa propre révolution intérieure.

De nombreux autres recueils jalonnent l’œuvre d’Henry Bauchau : La Sourde Oreille ou Le Rêve de Freud (1981), dans lequel l’évocation de l’enfance alterne avec celle du temps des séances analytiques ; Les deux Antigone (1986), où s’impose le thème du cheminement – également au cœur du roman Œdipe sur la route – ; Exercice du matin (2000), qui contient le poème L’Enfant bleu qui sera à la source du roman éponyme ; Petite suite au 11 septembre (2003), qui témoigne de l’attention profonde du poète-citoyen à l’actualité ; Nous ne sommes pas séparés (2006), qui mêle d’anciens poèmes inédits et d’autres plus récents. En 2011, Henry Bauchau publie Tentatives de louange, recueil dans lequel il célèbre la vie et sa fragilité.

L’œuvre poétique de Bauchau fut rassemblée en recueils en 1986 (chez Actes Sud, sous le titre Poésie 1950-1986), en 1995 (chez Labor, sous le titre Heureux les déliants. Poèmes 1950-1995) et en 2009 (chez Actes Sud, sous le titre Poésie complète — ce dernier ouvrage comprend également le recueil L’Accueil).

En 2011, Henry Bauchau publie un dernier recueil poétique, intitulé Tentatives de louange (Actes Sud).

Arts de la scène

Si Henry Bauchau est entré en écriture par la voie du poème, il est également dramaturge. Ainsi, dès 1954, il se tourne vers le théâtre pour mettre en scène le personnage de Gengis Khan. Bauchau dit avoir été effrayé tout autant que fasciné par la figure de ce barbare fondateur d’un des plus grands empires de l’histoire de l’humanité. Dans sa pièce (1960), l’écrivain fait du chef mongol un homme animé du désir de faire du monde une immense steppe et agissant au nom du « droit du rêve ». Neuf ans plus tard, Bauchau écrit une seconde pièce, La Machination. Republiée sous le titre La Reine en amont, cette œuvre met en scène le personnage d’Alexandre le Grand mais aussi, déjà, celui d’Œdipe. Plus récemment, en 1998, Henry Bauchau réalise une adaptation du Prométhée enchaîné d’Eschyle, où il allie à la fidélité au texte antique la réappropriation personnelle de la matière mythique.

Par ailleurs, à l’invite du compositeur Pierre Bartholomée, Henry Bauchau compose également deux livrets d’opéra : celui d’Œdipe sur la route (2003), largement inspiré du roman éponyme, et celui, neuf, de La Lumière Antigone, créé en première mondiale le 17 avril 2008 au théâtre de la Monnaie, à Bruxelles.

Récits

C’est avant tout en tant que romancier qu’Henry Bauchau est aujourd’hui connu du grand public. La Déchirure, premier roman, est publié en 1966. Dans cette œuvre autofictionnelle, souvenirs d’enfance et du temps des séances se mêlent au récit des derniers jours de la mère du narrateur, cette mère distante avec laquelle il parviendra tout de même à communiquer dans un dernier sourire, au seuil de la mort. Si la figure de la mère se trouve au cœur de La Déchirure, c’est de celle du père qu’il est question dans Le Régiment noir, paru en 1972. Dans ce roman, qui se présente comme une quête identitaire, le narrateur offre à son père de vivre par l’intermédiaire de la fiction la carrière militaire que lui refusa sa famille, en opérant toutefois un déplacement dans le temps et dans l’espace, puisque l’histoire se déroule en Amérique durant la Guerre de Sécession. Au contact des Indiens et des Africains, Pierre, le père, le héros, découvre l’harmonie avec la terre et apprend à accepter la part de l’homme noir qui est en lui.

Le roman Œdipe sur la route, paru en 1990, correspond à une nouvelle étape dans l’œuvre d’Henry Bauchau. Lorsqu’on l’interroge à ce sujet, l’écrivain explique qu’il n’a jamais projeté d’écrire un roman inspiré du mythe œdipien : le personnage du roi-mendiant s’est imposé à lui, et ce n’est qu’après avoir pris, plusieurs jours durant, des notes sur ce sujet qu’il s’est rendu compte qu’il tenait la matière d’un roman. Exploitant l’ellipse temporelle qui sépare les deux tragédies œdipiennes de Sophocle, Bauchau raconte les années durant lesquelles le souverain aveugle, sa fille Antigone et Clios (le compagnon de route qu’il leur invente) ont sillonné les routes de Grèce avant de parvenir à Colone. Au terme de ce roman initiatique, dans lequel l’art et l’errance jouent un rôle essentiel, Œdipe accède à la paix intérieure. Le roman suivant, Antigone (1997), est consacré à celle dont le rôle croissant dans Œdipe sur la route avait surpris l’écrivain lui-même. Antigone y apparait comme une figure de l’amour et de l’espérance, et comme une personnalité féminine autonome, qui agit sans modèle.

À ces deux romans, il faut encore ajouter plusieurs courts récits appartenant eux aussi au cycle d’Œdipe et d’Antigone : il s’agit de Diotime et les lions (1991) et du recueil Les vallées du bonheur profond (1999). L’ouvrage L’arbre fou (1995), qui comprend à la fois des récits, du théâtre et des poèmes, témoigne de l’importance qu’a pu avoir ce cycle dans le processus de création d’Henry Bauchau.

Au cycle œdipien fait suite, en 2004, L’Enfant bleu. La matière première de cet ouvrage n’est autre que la propre expérience d’Henry Bauchau, celle de l’accompagnement quotidien des psychotiques de la Grange-Batelière pendant près de dix ans. L’écrivain y raconte comment Véronique, une thérapeute, aide un de ses patients psychotiques à accéder à un mieux-être en lui proposant de s’exprimer par le biais des arts plastiques. En janvier 2008, Henry Bauchau publie Le Boulevard périphérique. Ce roman, dans lequel Bauchau utilise pour la première fois ses souvenirs de guerre comme matière romanesque, repose sur un manuscrit abandonné en 1980 et repris après quinze années. Le titre fait référence au chemin qu’emprunte quotidiennement le narrateur pour se rendre auprès de sa bru, Paule, qui se meurt d’un cancer dans un hôpital parisien. Au chevet de la mourante et durant les interminables trajets vers l’hôpital, les souvenirs des années de guerre et surtout de Stéphane, un ami Résistant exécuté par les nazis, l’assaille. Alors qu’inéluctablement Paule, malgré son combat, se rapproche de la mort, Stéphane, dans l’esprit du narrateur, lutte avec son bourreau, le terrible Shadow (où se lit l’héritage de Dostoïevski) et triomphe finalement de lui dans et par la mort.

En 2010, Bauchau publie Déluge, roman mettant en scène Florence, une psychiatre qui rencontre et accompagne dans son vaste projet de composition de peinture du Déluge Florian, peintre instable à la réputation de pyromane. Plus récemment encore, en 2011, c’est avec L’Enfant rieur qu’Henry Bauchau revient sur le devant de la scène littéraire afin de livrer dans ce récit, qui s’échelonne de 1913 à 1940, les souvenirs de l’enfant, de l’adolescent et du jeune adulte qu’il fut ou, tout du moins, qu’il aurait pu être. La suite de L’Enfant rieur paraît de façon posthume en janvier 2013, sous le titre Chemin sous la neige, évoquant les années de guerre et d’après-guerre.

Journaux

Henry Bauchau a également à son actif une importante activité de diariste. Auteur dès les années 39-40 du Journal d’un mobilisé (publié dans la revue La Cité chrétienne), il a toujours tenu, parallèlement à la rédaction de son œuvre littéraire proprement dite, un journal. Ces écrits, qui font depuis 1992 l’objet de publications régulières, permettent de suivre l’élaboration de l’œuvre au fil des jours et de percevoir combien elle se nourrit des rencontres, des lectures, de l’actualité, de rêves, etc. ; elle montre aussi la profondeur de pensée de cet auteur érudit, qu’anime un perpétuel questionnement sur la fonction de l’écriture. Actuellement, sept journaux ont été publiés, retraçant près de cinquante années de travail créateur : Jour après jour. Journal d’Œdipe sur la route (1983-1989) (1992) ; Journal d’Antigone (1989-1997) (1999) ; Passage de la Bonne-Graine. Journal 1997-2001 (2002) ; La grande muraille. Journal de La Déchirure (1960-1965) (2005) ; Le Présent d’incertitude. Journal 2002-2005 (2007) ; Les années difficiles. Journal 1972-1983 (2009) et Dialogue avec les montagnes. Journal du Régiment noir (1968-1971) (2011).


Le fonds Henry Bauchau dépend de la Faculté de philosophie et lettres de l’Université catholique de Louvain
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